QUELS IMPACTS ONT LES RUMINATIONS SUR VOTRE SENTIMENT D’ISOLEMENT ?
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Dernière mise à jour : il y a 3 jours

1. Introduction
Vous est-il déjà arrivé de rester seul(e), la tête pleine, à repasser encore et encore la même conversation en boucle ? À rejouer une scène, une phrase, ou un silence… en vous demandant ce que vous auriez pu faire autrement ?
Ce phénomène, s’appelle « la rumination ». Et si je vous disais qu’elle ne se contente pas de vous miner le moral, mais qu’elle renforce votre sentiment d’isolement ?
Aujourd’hui, nous allons explorer ensemble comment vos pensées répétitives et négatives peuvent littéralement vous enfermer dans l’isolement, même quand vous n’êtes pas vraiment seul…
Je vous propose de voir ce qu’est la rumination, ce qu’en dit la recherche, les mécanismes psychologiques qui lient rumination et isolement, et enfin, ce que vous pouvez faire pour en sortir.
Parce que comprendre, c’est déjà commencer à se libérer.
2. Qu’est-ce que la rumination ?
La rumination, c’est un « processus mental où vous repensez sans cesse à un problème, à vos émotions, à des événements passés », sans avancer vers une solution.
C’est un peu comme être coincé dans une boucle mentale :
« Pourquoi j’ai dit ça ? »
« Et si j’avais agi autrement ? »
« Pourquoi personne ne me comprend ? »
La chercheuse Susan Nolen-Hoeksema, pionnière dans ce domaine, expliquait déjà au début des années 2000 que la rumination est un facteur majeur de dépression et de retrait social. Non seulement elle entretient la tristesse, mais elle empêche aussi de passer à l’action, de parler ou encore de chercher du soutien. Les chercheurs distinguent deux formes principales de rumination :
« Le brooding » : qui est une rumination passive, douloureuse, où vous tournez en boucle sur le négatif.
« La réflexion » : qui est une rumination où vous analysez vos pensées et vos émotions et qui vous aide à mieux vous comprendre. Attention toutefois, celle-ci peut aussi rapidement tourner en rond, vous entraîner dans une spirale de questionnements sans fin, et finalement renforcer vos doutes ou votre mal-être.
Et malheureusement, plus vous ruminez, plus vous avez tendance à vous couper des autres. Et c’est là que le sentiment d’isolement commence à s’installer.
3. Le lien entre rumination et sentiment d’isolement : ce que disent les études
Une étude récente menée par Luo et al. (2025) a montré que « ruminer sur le fait d’être seul », par exemple se dire « personne ne m’apprécie vraiment », renforce directement le sentiment d’isolement et augmente le risque de dépression. Ce n’est donc pas la solitude objective qui pèse le plus, mais « la manière dont vous pensez cette solitude ».
Akbulut et al. (2025) ont montré que plus une personne rumine, surtout de manière négative, en « brooding », plus elle a tendance à se sentir mal dans sa peau, coupée des autres et incomprise, même quand elle n’est pas réellement seule.
Les chercheurs Sharif-Nia et al. (2025) ont, eux, démontré que la pensée négative répétitive agit comme un pont entre la solitude et la dépression.
Autrement dit : plus vous ruminez, plus les émotions négatives s’intensifient (tristesse, culpabilité, honte, anxiété) et plus ces émotions alimentent votre sentiment d’isolement.
Enfin, une étude de Raes et al. (2020) a montré que la rumination explique à elle seule davantage de symptômes émotionnels que la solitude pure.
Cela signifie que la rumination peut être la véritable raison du sentiment d’isolement, le moteur caché derrière ce sentiment.
4. Le cercle vicieux : comment la rumination enferme dans l’isolement ?
Imaginez un engrenage mental :
Vous vous sentez seul(e),
Vous commencez à ruminer,
Cette rumination amplifie vos émotions négatives,
Vous vous sentez encore plus isolé(e), et donc vous ruminez davantage.
C’est ce que les chercheurs appellent un « processus auto-entretenu ».
Selon Tong et al. (2021), cette boucle est particulièrement forte chez les personnes âgées, la rumination maintient la détresse liée à l’isolement et perturbe même le sommeil.
Et Wolters et al. (2023) distinguent deux types de solitude, que j’ai déjà abordé un peu aborder dans d’autres vidéos :
La solitude sociale qui est un manque de contacts concrets/réels,
Et le sentiment d’isolement qui est un manque de lien émotionnel ressenti.
La rumination touche surtout ce second aspect : elle vous pousse à interpréter vos relations comme plus distantes qu’elles ne le sont, à douter de la sincérité des autres, à vous replier sur vous-mêmes. Vous finissez par croire que « personne ne peut comprendre ce que vous ressentez », ce qui devient une réalité… parce que vous vous isolez pour vous protéger. C’est un processus très pernicieux !
5. Les effets concrets sur le cerveau et les émotions
Sur le plan cérébral, les études en neurosciences montrent que la rumination sollicite particulièrement le cortex préfrontal médian et ce qu’on appelle le réseau du mode par défaut. Ce réseau s’active dès que l’on n’est pas occupé par une tâche précise : c’est comme un « pilote automatique » du cerveau, qui alimente en continu nos pensées tournées vers nous-mêmes, le passé ou nos inquiétudes. La rumination s’appuie sur ce fonctionnement naturel, mais quand ce réseau est trop actif, le cerveau ressasse en boucle au lieu de s’ouvrir à l’extérieur.
Ce dérèglement mène à plus de stress et à une sécrétion accrue de cortisol, tout en diminuant la motivation à interagir avec les autres. Autrement dit, l’énergie mentale sert alors à revivre ce qui fait mal, plutôt qu’à s’engager dans le présent ou tisser du lien. Avec le temps, cela déforme la perception de soi, par exemple : « Si je me sens seul, c’est que je ne mérite pas les autres ». Ce type de croyance négative est fréquemment observé en clinique : elle naît de la rumination et est entretenue par des émotions difficiles qui ne sont pas régulées.
6. Comment sortir de la boucle ?
Mais bonne nouvelle : la rumination, ça se soigne ! Des chercheurs comme Nolen-Hoeksema et Taylor (2023) insistent sur des pistes concrètes :
Repérer les moments où vous ruminez : remarquez quand votre esprit commence à tourner en boucle, et sur quel sujet. Est-ce une erreur, une relation ou une peur du regard des autres ? Mettre de la conscience sur ces moments est déjà un premier pas pour en sortir.
Rediriger l’attention vers le présent, via la pleine conscience (mindfulness).
Mettre en mots ses pensées : en parler, écrire, partager ; la parole brise la boucle.
Passer à l’action : un petit acte social, un message, une sortie, suffit parfois à recréer du lien réel.
Pour sortir durablement du cercle des ruminations mentales, il existe des approches structurées et éprouvées. Pour ma part, j’ai fait le choix de l’analyse transactionnelle : cette méthode permet de mieux comprendre ses automatismes de pensée et ses scénarios de vie, afin de retrouver des relations plus saines avec soi-même et avec les autres. Cet accompagnement vous ouvre à une plus grande liberté intérieure et favorise un mieux-être profond et durable. Quelle que soit la démarche choisie, rappelez-vous : chaque moment où vous brisez la boucle de la rumination constitue déjà un pas en avant vers le changement.
7. Conclusion
La rumination, c’est une prison sans barreaux. Elle vous enferme dans vos souvenirs, vos doutes, vos blessures. Et plus vous y restez, plus vous croyez que personne ne peut comprendre ce que vous vivez. Voyez : je viens d’utiliser le verbe « croire », il s’agit donc bien d’une croyance… Car en fait, ce n’est pas la solitude qui crée la rumination, mais bien souvent la rumination qui « fabrique » ce sentiment d’isolement. Alors, la prochaine fois que vous sentirez votre esprit tourner en boucle, souvenez-vous :
Votre cerveau vous trompe ; ce n’est pas une preuve que vous êtes seul,
C’est juste un signe que votre esprit cherche encore à comprendre.
Et comprendre, c’est déjà commencer à s’en libérer. « Les ruminations vous isolent , mais la conscience vous reconnecte. »
8. Bibliographie
Nolen-Hoeksema, S., & Watkins, E. (2008). Rethinking Rumination. Perspectives on Psychological Science, 3(5), 400-424.
Luo, Q., et al. (2025). « Ruminating about being lonely is more closely linked to depression than actual social isolation. » Nature Mental Health, 1(1), 55-64.
Bastin, C. (2018). Le réseau cérébral par défaut : un repos qui n’en est pas un. Revue de Neuropsychologie, 10(3), 232-238. doi:10.1684/nrp.2018.0469.
Raichle, M. E. (2001). « A default mode of brain function. » Proceedings of the National Academy of Sciences, 98(2), 676-682.
Martinot, J.-L. et al. (2024). Des réseaux cérébraux associés aux ruminations mentales et leur évolution chez le jeune adulte. Molecular Psychiatry. Inserm/ENS Paris-Saclay.
Réseau du mode par défaut. (2024). [fr.wikipedia.org/wiki/Réseau_du_mode_par_défaut].
Re-Connect, « La méditation diminue l’activité du réseau « mode par défaut » chez les personnes ruminantes. » (2023). [www.re-connect.fr].
Cerveau & Psycho. « Les ruminations sont un tour que nous joue notre cerveau ». (2023). [www.cerveauetpsycho.fr].
La-Clinique-e-Santé. Analyse transactionnelle : Libérez-vous des jeux relationnels toxiques. (2023). [www.la-clinique-e-sante.com].



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